L’insécurité en Europe est à la une. Elle est génératrice d’inquiétude.
Cette inquiétude est légitime, puisque l’insécurité touche à un aspect vital dont dépendent directement les secteurs sociaux, politiques, économiques… et militaires.
Elle est justifiée psychologiquement, puisqu’elle émane d’une situation ou’ le risque de la surprise, la pure chance individuelle et collective, l’improviste, le hasard… bref toute la nomenclature potentielle de l’absurde cruel touche, psychologiquement, tout le monde et chacun.
Elle s’impose, en Méditerranée, à tous en raison de la propagation des symptômes insécurisants qui s’accentuent et s’accélèrent dans une situation stagnante et fuyante à la fois.
On est apparemment poussé à réduire la conception de l’insécurité à l’un de ses symptômes, considéré comme le plus actuel, le plus cruel et le plus dangereux : le terrorisme. Et l’Europe de constater qu’elle subit, directement et au vif, les répercussions et les retombées de péripéties qu’elle ne contrôle pas et dont elle n’est que partiellement responsable.
Il n’est pas du tout surprenant que l’Europe subisse les premières secousses qui se produisent en Méditerranée. Il est plutôt surprenant qu’elle s’en surprenne. Plus surprenant encore qu’elle réagisse seulement à des événements ponctuels et non suivant une stratégie européenne concernant notamment la Méditerranée et les destinées du bassin méditerranéen.
Or nous croyons que la Méditerranée, pour l’Europe, n’est pas seulement un simple champ d’activités et d’échanges, remplaçable à la rigueur. Tout d’abord la Méditerranée est un "Monde" où les pays du bassin trouvent non seulement leur espace vital mais aussi, et avant tout, leur grand foyer d’appartenance et d’expression. Et l’Europe ne fait pas exception à cette règle.
Nous reviendrons, plus tard, à la définition historique et culturelle de ce "Monde", à sa formation et à ses caractéristiques. Mais avant d’aborder directement notre sujet qui porte sur la sécurité de la Méditerranée et les destinées de l’Europe, nous tenons à préciser que notre approche est essentiellement historique et culturelle, espérant quelle puisse inviter à une réflexion politique et géopolitique qu’entreprendraient, en premier lieu, les Européens et aussi tous ceux qui sont conscients de la gravité de la situation actuelle en Méditerranée et de ses conséquences.
Nous sommes cependant conscients que l’analyse historique, objective et rationnelle, peut reculer devant deux attitudes qui prévalent à l’heure actuelle :
– l’approche idéologique passionnée (culturelle, religieuse, continentale...) condamnée à ne voir qu’en blanc et noir.
– l’approche purement pratique absorbée généralement par la recherche des moyens est satisfaite par le recours aux représailles. Car nous constatons clairement que les milieux politiques,les centres de décision et même et le milieux intellectuels sous le chocs des événements, deviennent , malheureusement, plus enclins à faire appel à l’idéologie ou à définir, avec précipitation, des pseudo-prescriptions pratiques, ou mêmes magiques s’il en faut, plutôt qu’ à s’attarder soigneusement sur une lecture de la situation, lecture calme et révélatrice qui fasse appel à la compréhension du cœur, de l’esprit et de l’imagination créatrice.
Pourtant cette lecture est indispensable, car ce qui se passe actuellement en Méditerranée, ce qui peut s’y passer, est grave, voire horrible, à notre avis, et est condamné à devenir plus horrible encore si cette percée idéologique particulièrement monstrueuse, sous toutes ses couleurs, arrive à mener ce jeu orchestré de barbarisation jusqu’au point de non retour où les partenaires en Méditerranée, à la tête desquels figure l’Europe, s’apercevront trop tard du courant irréversible et du dégât presque irréparable.
Nous espérons qu’une lecture historique située dans une optique géoculturelle puisse contribuer à élargir le champ de vision des acteurs et des intéressés en plaçant la conjoncture actuelle dans un contexte plus constant, plus rationnel et plus humain, voire plus réel que le soi-disant réalisme de la gestion quotidienne de la crise dans les cercles politiques et militaires.
Et nous espérons, par là, contribuer à formuler un diagnostic moins conditionné par des provocations faisant appel aux passions, et à présenter des options de comportement et d’action moins dépendantes exclusivement du pur rapport des forces.
Et si notre tentative nous conduit loin dans le passé vers des paysages séculaires et même millénaires qui ont finalement plus ou moins décidé des traits saillants de notre paysage actuel, nous nous abstiendrons, par contre, de projeter nos constatations sur l’avenir plus loin que les années qui viendront terminer notre siècle, siècle qui risque de finir en catastrophe à partir de la Méditerranée, mais qui peut, en revanche, puiser ses leçons de salut à partir de l’expérience historique de ce même bassin, expérience de grandes synthèses, grâce auxquelles la civilisation a connu sa plus longue survivance et ses riches réalisations.